BONUS : surcapacité hôtelière
Que se passe-t-il quand il y a surcapacité hôtelière dans une destination ?
La plupart des élus et des observateurs ne veulent pas le voir, mais la surcapacité hôtelière dans les villes est une réalité de plus en plus criante. De quoi ranimer le débat sur la liberté d’entreprendre et les bienfaits de la concurrence, face au « chacun pour soi » et au libéralisme sauvage. Avec en corollaire les risques d’une déchéance hôtelière économique forcenée et la fermeture plus ou moins sûre d’hôtels.
C’EST QUOI LA SURCAPACITÉ HÔTELIÈRE ?
On parle bien sûr de surcapacité hôtelière lorsqu’il y a trop d’hôtels disponibles dans une destination par rapport au volume de clients en présence et potentiel.
C’est un déséquilibre entre la demande et l’offre, quand il n’y a plus/pas assez de clients pour remplir correctement les hôtels et leur permettre de trouver une rentabilité minimale.
Cela peut être le résultat d’une poussée de clientèle qui s’affaisse, avec moins de nuitées hôtelières. Mais, on ne rencontre ce cas que rarement de façon pérenne, sauf en milieu rural. Cela peut l’être plus facilement de façon ponctuelle et plutôt peu durable.
Ce fut le cas des périodes d’après la crise financière devenue crise économique en 2009, des malheureux épisodes post-attentats. Ou encore quand il y a peu d’enneigement (pour les hôtels de montagne), une mauvaise saison climatique (pour les hôtels en stations balnéaires) et bien d’autres raisons encore qui perturbent momentanément le tourisme. Sans compter le crise du Covid en 2020-2021 qui vida les hôtels, parmi d’autres prestataires dans le tourisme.
Mais, la situation la plus courante demeure le trop-plein de constructions de nouveaux hôtels. C’est lui qui finit par provoquer la surcapacité hôtelière durable. La demande n’étant quasiment pas extensible et restant relativement stable année après année (voir notre panorama de l’hôtellerie française), cela induit immanquablement une anémie pour le parc hôtelier.
En somme, les hôtels devenus plus nombreux sont condamnés à devoir se partager un gâteau qui, lui, ne grossit pas. On observe ainsi dans des destinations une même quantité de nuitées hôtelières durant des années, voire son grossissement, pour des taux d’occupation qui parallèlement s’érodent ou s’écroulent lentement.
LA PARA-HÔTELLERIE EST-ELLE EN CAUSE ?
L’hôtel étant essentiellement choisi par ses clients de loisirs et surtout d’affaires pour des courts séjours d’une à deux nuits maximum (la durée moyenne de séjours en hôtellerie en France est de 1,8 jour). L’hôtellerie est peu concurrencée sur ce registre par les autres modes d’hébergement, contrairement à ce qu’on croit.
Les résidences de tourisme, qui peuvent louer à la nuit, ont pu être mises en cause. Mais dans les faits, elles s’adressent à une clientèle pour de plus longs séjours, pour qui elles sont mieux adaptées. Il en va de même pour les formules de type Airbnb, qui intéressent une clientèle qui ne serait de toute façon pas venue en hôtellerie (Millennials, petits usagers…), jugée trop chère ou/et pas assez spacieuse.
De facto, malgré la montée en flèche depuis une bonne dizaine d’années d’Airbnb et de ses concurrents en France, l’hôtellerie conserve le même volume de nuitées et de taux d’occupation depuis au moins 2010, sauf bien sûr durant la crise du Covid où la demande en hébergements touristiques s’est effondrée partout.
Les auberges de jeunesse nouvelle génération et hostels forment en revanche une concurrence pour les hôtels super-économiques, mais elles restent pour l’instant peu développées.
ET LA SOUS-CAPACITÉ ?
C’est quand il manque des chambres d’hôtels dans une destination. On refuse alors trop de monde par manque de place. Autant dire que l’on ne rencontre ce cas de figure que durant quelques semaines par an ici et là, dans les sites touristiques, hormis à Paris où la fréquentation hôtelière ne subit pas de vraie saisonnalité. La Capitale est particulièrement gâtée comme site touristique.
Mais même à Paris, où une centaine de projets hôteliers haut de gamme à luxe se créent en ce moment (voir Panorama de l’hôtellerie à Paris), on est en droit de penser que la surcapacité dans ces catégories risque d’y être guettée passée les JO de 2024.
EST-CE QUE LA SURCAPACITÉ PEUT ÊTRE CIBLÉE ?
Oui, presque toujours. Il est peu fréquent qu’elle concerne toutes les gammes d’hôtellerie dans une même ville. Actuellement, la hausse déraisonnable car trop importante dans la création ou la réhabilitation d’hôtels vers le haut de gamme est en train de provoquer un déséquilibre dans les grandes, voire les moyennes villes. Il n’y a pas assez de clients potentiels pour absorber cette offre supplémentaire, au juste prix.
A PARTIR DE QUEL MOMENT PARLE-T-ON DE SURCAPACITÉ HÔTELIÈRE ?
Par deux indicateurs, au moins.
• Lorsque les taux d’occupation globaux d’une destination ou de gammes descendent en-dessous de 55 % à l’année. C’est un niveau de curseur assez arbitraire, mais qui est un bon informateur de tendance.
• Quand dans un même temps, les hôtels — surtout de milieu de gamme à luxe — ne parviennent pas à vendre au bon prix et s’adonnent au dumping (tarifaire). Un 4 étoiles qui loue ses chambres une grande partie de l’année par exemple ,à moins de 100 € rencontre rapidement un problème.
Ne plus connaître que quelques courtes périodes de complet dans l’année, voire jamais, peut être un signe supplémentaire de surcapacité hôtelière.
ASPECTS QUALITATIF…
Si les surcapacité et sous-capacité paraissent en premier être un souci quantitatif, elles peuvent également concerner la qualité des hôtels. Outre le nombre d’hôtels/chambres d’hôtels disponibles, il peut y avoir beaucoup d’hôtels de qualité médiocre, vétustes, en retard de modernité, mal entretenus…
On parlera alors de sous-capacité qualitative. L’inverse n’est pas vrai : il ne peut exister de surcapacité qualitative. Nous parlons bien de la qualité des prestations et du confort, quelle que soit la gamme. Pas du nombre d’étoiles.
Quant aux nouveaux hôtels ou ceux entièrement modernisés, ils attirent indéniablement les clients qui préfèrent du neuf, du propre et du confort récent (quand ces hôtels sont ainsi), au vieux et vieilli, même avec ce qu’on qualifie abusivement « hôtellerie de charme ». L’arrivée de nouveaux hôtels a toujours par conséquent un impact commercial sur le parc hôtelier existant, sauf à être vraiment mal placés ou hors marché.
Enfin, un hôtel récent sera généralement assez vite favorisé par les OTAs et valorisé sur les sites de commentaires en ligne (e-réputation), ce qui ajoutera à son attrait et au détournement de clients des autres établissements hôteliers existants.
LES GRANDES VILLES SONT-ELLES PROTÉGÉE DE LA SURCAPACITÉ ?
Justement pas. Surtout dans le haut de gamme et le luxe. Ils ont respectivement progressé de 74 % et de 201 % en 10 ans à l’échelle nationale. Dans toutes les grandes métropoles françaises, on construit de nouveaux établissements essentiellement dans ces gammes. C’est sensé servir le rayonnement des villes.
Sauf que les hôtels existants ont soit du mal à se remplir correctement, avant même que de nouveaux arrivent. Ou encore une fois, ils ne vendent pas aux tarifs qu’ils devraient appliquer pour un modèle économique sain. Ce qui confirme qu’il n’existe pas de marché en suffisance pour eux.
UNE FOIS LA SURCAPACITÉ LÀ, QU’EST-CE QUI PEUT SAUVER LA SITUATION ?
Dans un premier temps, de plus ou moins nombreux hôtels fermeront (voir plus loin). Cela réduit potentiellement un trop-plein d’offre. Mais, ce n’est pas forcément satisfaisant, même si c’est parfois utile dans le cas de ceux qui ne pouvaient se moderniser et dont la vétusté donne une mauvaise image de marque à la destination.
Pour atténuer la surcapacité hôtelière, il faut que la destination développe des activités économiques et/ou événementielles très attractives, propices à produire des besoins supplémentaires en chambres d’hôtels.
Une ville comme Strasbourg a tout ce bénéfice et a même su faire naître récemment une demande inattendue en février, pour la Saint-Valentin, mois habituellement très creux après son fameux marché de Noël. Les restaurateurs et les hôteliers en profitent directement. A Bordeaux, on assiste à une explosion de son économie, dopée par la LGV qui la reproche encore plus de Paris. Du coup, un grand nombre de projets hôteliers sont en cours ou viennent d’ouvrir.
Pour autant, il y aura bien un moment où trop d’hôtels auront ouvert. La surcapacité dans certaines catégories d’hôtels est déjà là ou guette ainsi Lyon, Strasbourg, Toulouse, Lille, Rennes, Nantes, Montpellier, Bordeaux,…
Schémas directeurs hôteliers inefficaces ?
Il n’y a pas à proprement parler de schémas directeur hôteliers qui définiraient à partir de quel seuil il y aurait trop d’hôtels — en général ou par gamme — dans une destination et quand arrêter d’en créer de nouveaux. Les schémas directeur actuels des grandes métropoles servent surtout à déterminer comment créer davantage d’hôtels, surtout dans le luxe et le haut de gamme, le cas échéant, ce qui plaît au moins aux élus. Et dans tous les cas, on ne peut concrètement empêcher le développement hôtelier depuis la suppression des CDEC en 2009.
PEUT-ON RÉGULER LA CRÉATION D’HÔTELS ?
Depuis la suppression en 2009 des CDEC (Commissions départementales d’équipement commercial) pour l’hôtellerie (imposées en 1996), où il fallait demander une autorisation pour construire ou agrandir des hôtels, les maires peuvent difficilement interdire la création de nouveaux hôtels si leurs promoteurs respectent le PLU. Il faut dire que l’efficacité des CDEC, destinées justement à réguler le marché et à veiller au respect de l’équilibre offre/demande, pouvait être sérieusement mise en doute : 94 % des projets d’hôtels furent acceptés.
Dans les faits, il est rare que les communes s’interrogent sur les problèmes de surcapacité hôtelière. Peu admettent les plaintes et râles, jugés poujadistes, des hôteliers en place. Surtout quand il s’agit de créer des établissements de luxe ou haut de gamme, bons pour la valorisation de leur ville, pensent les élus. Qu’il y ait un marché ou pas pour accueillir ces nouveaux entrants ne leur effleure généralement pas l’esprit.
L’approche libérale, voire darwinienne ou lamarckienne, consiste à penser que la concurrence doit faire son travail et que les faibles et les médiocres n’ont que comme finalité de disparaître au profit des modernes et des forts.
Exemple de situations : voir tableaux de simulations issu de cas réels
Cas N° 1 : Une métropole a un parc hôtelier de 53 hôtels 3 à 5 étoiles, qui représentent environ 3.600 chambres disponibles. Il réalise un taux d’occupation global plutôt satisfaisant de 62 %. 4 hôtels inscrits dans ces gammes arrivent sur le marché de cette ville, pour un total de 280 chambres supplémentaires. La demande n’étant pas extensible, ils grignotent le « gâteau » partagé entre hôtels de la destination. Le taux d’occupation global passerait ainsi de 62 % à 58 %, ce qui peut avoir de quoi inquiéter les hôtels en place. Sans tenir compte des prix moyens chambres qui peuvent chuter en situation concurrentielle augmentée.
Cas N° 2 : Une ville moyenne a un parc hôtelier de 12 hôtels 3 à 5 étoiles, qui représentent environ 540 chambres disponibles. Il réalise un taux d’occupation global encore satisfaisant de 58 %. 2 hôtels de tailles moyennes inscrits dans ces gammes arrivent sur le marché de cette ville, pour un total de 90 chambres supplémentaires. Le taux d’occupation global passerait ainsi de 58 % à 50 %, ce qui devient très insuffisant et provoquera des fermetures d’hôtels. Sans tenir compte des prix moyens chambres qui chuteront immanquablement en situation très concurrentielle.
LA SURCAPACITÉ DANS UNE DESTINATION, en 5 phases :
Phase #1 : il s’annonce un ou des nouveaux hôtels.
Selon la taille du parc hôtelier de la destination, cela aura peu ou prou une influence sur tous les hôtels.
Dans un premier temps, l’annonce de l’arrivée du ou des nouveaux hôtels (souvent au moins deux ans avant leur ouverture) peut avoir un effet bénéfique. Pour rester compétitifs face à un nouvel entrant, les hôtels déjà en place lancent des chantiers de rénovation plus ou moins poussés. Une offre nouvelle peut stimuler une modernisation du parc hôtelier.
Encore faut-il que les hôteliers puissent financer leur modernisation, ce qui est difficile à impossible là où le marché est déjà « limite ». Il faut également qu’ils en aient l’envie ou qu’ils soient conscients de cette nécessité et l’acceptent.
Phase #2 : le ou les nouveaux hôtels ouvrent.
C’est le choc, car neufs — même avec une réalisation imparfaite — ils attirent inéluctablement le public dans un premier temps (effet de nouveauté), sauf exception (hôtel mal placé dans un quartier ou un site peu attractif, par exemple). Comme il ne s’agit pas d’une clientèle additionnelle, quand l’économie ou le tourisme locaux ne le provoquent pas, ce sont des clients pris sur les autres hôtels. Cela peut ne pas durer si le ou les nouveaux hôtels déçoivent à court terme. Mais, il ne faut pas trop compter là-dessus.
Soit sur l’ensemble du marché, soit seulement dans une gamme, les taux d’occupation baissent sensiblement. Tout dépend bien sûr de la taille du ou des nouveaux hôtels. Un hôtel de 100 chambres va forcément représenter un sacré poids dans une ville qui disposait avant son arrivée de 700 chambres…
Phase #3 : les prix baissent.
Effet de la concurrence, taux d’occupation qui chutent, l’offre devenant plus importante et la demande ne suivant pas, les prix baissent à leur tour. Donc, en corollaire, une réduction de la rentabilité avec une hausse des moyens/coûts commerciaux à réunir par chacun.
Le plus souvent également, un nouvel entrant va se lancer avec des tarifs promotionnels agressifs pour atteindre le meilleur score de remplissage possible, au plus vite. C’est imparable. Mais, son objectif restera quand même d’augmenter ses prix au fil du temps, en même temps que son taux d’occupation. Ce sera mission impossible si le marché est fragile ou atone.
Quand un acteur majeur casse ses prix, ses concurrents n’ont de choix que de faire la même chose, surtout s’ils ont une offre moins attractive. La spirale infernale de l’érosion tarifaire s’enclenche, pour la plus grande joie, dans un premier temps, des clients.
Phase #4 : baisse de qualité, fuite des clients.
Sur toute ou une partie seulement de la destination, les hôtels ont tellement baissé leurs prix et vu, malgré cela, leurs taux de fréquentation fondre, qu’ils sont obligés de réduire leurs charges d’exploitation, dont en premier les frais de personnel. La qualité s’en ressent et les clients s’en aperçoivent très vite.
Le nouvel hôtel, surtout s’il est inscrit dans le haut de gamme ou le luxe, va subir cette même contrainte faute de clients en nombre suffisant à payer le juste prix. Le comble est atteint.
Phase #5 : des hôtels finissent par fermer.
La surcapacité hôtelière mène à la fermeture d’hôtels. Les premiers à disparaître sont bien sûr les plus défaillants économiquement, qui ont un seuil de rentabilité trop élevé et qui ne peuvent pas suivre dans la modernisation de leur offre et dans le marketing.
Mais, un nouvel hôtel placé trop dans le haut de gamme pourra finir au bout du compte (des comptes) par fermer lui aussi.
Les porteurs de projets sont désormais nombreux à avoir eu la folie des grandeurs avec des réalisations trop coûteuses et une incapacité à les rentabiliser. On peut d’emblée être sûr qu’un hôtel de 60 chambres avec un investissement global de 30 millions d’euros, ne pourra jamais trouver une quelconque profitabilité en obtenant un prix moyen chambre de 200 € pour un taux d’occupation de 55 %. C’est pourtant un cas de figure que l’on rencontre souvent actuellement.
LA QUESTION SUR LES NOUVEAUX HÔTELS PROVOQUANT LA SURCAPACITÉ…
On peut se demander comment des investisseurs et des porteurs de projets peuvent décider de monter des hôtels, surtout de milieu de gamme à luxe dans des villes où existeraient déjà trop d’hôtels (ou ce qui sera le cas quand les projets en cours ouvriront) et où la demande est insuffisante.
• Incompétence : souvent montés par des promoteurs immobiliers, leur objectif s’inscrit dans la recherche de profit à court terme. Mais, les projets peuvent également être développés par des non hôteliers ou des exploitants ignorants. L’incompétence consiste à ne rien connaître des mécanismes du tourisme et de l’hôtellerie, de ses règles de fonctionnement …ou de les nier. On entend souvent dire de projets « qu’ils sont beaux, originaux et que les clients viendront en masse pour s’y héberger » (sic). Trop simpliste.
On peut également lire que le choix d’un hôtel haut de gamme (ou de luxe) se justifie « parce qu’il n’y en a pas dans la destination ». S’il n’y pas de porte-avions, pourquoi ne pas en créer un aussi ?
• Pas d’étude de marché : si le porteur de projet a ce qu’il faut en financements, les projets sont facilement montés sans étude de marché/faisabilité préalable. De telles études, en étant bien faites et honnêtes, démontreraient que le projet est risqué et que l’hôtel pourrait ne pas trouver sa clientèle en suffisance et au juste prix. Contrariant.
• Etude de marché truquée : il est fréquent que les porteurs de projet commandent une étude de complaisance (il existe des cabinets d’études sans éthique qui pratiquent ce travail malhonnête), destinée à convaincre que la création de l’hôtel se justifie et à tromper son monde (banques, investisseurs, collectivités, élus). Pourtant, une étude de complaisance se démasque très vite pour qui connaît un peu ce domaine.
• Lire notre analyse sur les études de marché.
LES ERREURS LES PLUS FRÉQUENTES ET LES PRÉJUGÉS SUR LA CRÉATION D’HÔTELS :
1) – « L’arrivée d’un nouvel hôtel, d’une enseigne internationale, d’un hôtel de luxe ou haut de gamme va attirer des touristes, hommes d’affaires ou visiteurs ».
Non, un hôtel ne peut provoquer par lui-même la venue de clients, voyageurs, touristes. Un hôtel ne crée pas la demande vers une destination. Le public vient avant tout parce qu’il a des choses à y faire, à titre professionnel ou/et de loisirs. Accessoirement, il va avoir besoin de se loger. Il ne faut donc pas mettre la charrue avant les bœufs.
2) – « On refuse du monde, il manque des hôtels ».
Créer de nouveaux hôtels paraîtrait alors justifié. Mais, en étudiant la destination, on se rend compte que le manque d’hôtels n’est flagrant que quelques semaines par an : en haute saison, durant des grands congrès dans la ville, durant un festival ou un événement ponctuel… Le restant de l’année, l’activité hôtelière est moribonde. Pas de quoi créer de nouvelles unités, sauf à vouloir faire mourir les hôtels déjà là.
3) – « Il faut créer un hôtel de grande capacité pour subvenir aux besoin d’un palais des congrès ».
En effet, les organisateurs de grandes manifestations ne veulent pas que leur groupe de participants soit « éclaté » entre plusieurs hôtels. Le mieux est alors idéalement de construire un gros porteur à proximité du centre de congrès, quand c’est physiquement possible. Sauf que cet établissement n’aura jamais assez de clients à l’année grâce aux conventions, évènements et congrès. La majorité des espaces de congrès en France travaille essentiellement avec une clientèle régionale, qui a peu de besoins d’hébergement. L’hôtel créé devra alors vampiriser ses concurrents et aspirer leur clientèle (individuels affaires, clients de loisirs) pour trouver sa rentabilité. Quitte à casser ses prix s’il est trop haut de gamme pour la destination. Il deviendra alors un concurrent déloyal.
4) – « Viser trop haut de gamme sans marché correspondant. »
Des 4 étoiles, on ne voit plus que cela dans les projets hôteliers qui se développent ici et là, dans les villes comme dans les campagnes. Cela flatte les élus pour le rayonnement et la valorisation de leur destination, cela fait sortir l’hôtel du lot et le distingue, on croit pouvoir toucher un public qui n’existe pas et n’existera pas davantage. Comme déjà expliqué, la présence d’une clientèle pour cette gamme, qui paie le juste prix, est rarement en suffisance. Quand elle est présente, il y a déjà le plus souvent foule de concurrents ancrés sur le même positionnement. C’est donc déclarer la guerre aux autres en se rajoutant sur le marché. Seule exception, si l’offre concurrente est très dépassée, vieillotte et décevante. Mais, on prend le risque en tant que porteur de nouveau projet que cela change après un réveil des hôteliers.
En résumé, il est certes plaisant de voir arriver de nouveaux hôtels dans une destination, en les espérant confortables, bien pensés et satisfaisants pour la clientèle. Mais, la réalité économique reprend toujours le dessus. Si l’économie ou le tourisme local ne sont pas en expansion, avec des besoins validés et étalés dans le temps de chambres supplémentaires, on fonce droit dans le mur. Personne en outre ne sera gagnant.
Sauf à vouloir ou accepter l’idée que les hôtels fragilisés disparaissent. Sans oublier que les nouveaux hôtels, souvent trop coûteux en investissement, auront peut-être eux aussi des difficultés à trouver leur rentabilité et leur retour sur investissement.
A moins que la destination, notamment sous l’impulsion des pouvoirs publics, parvienne à créer une demande supplétive en tourisme d’affaires et de loisirs pour compenser cette offre additionnelle. Mais, cela reste toujours très hypothétique, voire utopique sur du court terme, voire tout simplement négligé.
Une étude de marché professionnelle doit être capable d’appréhender cette situation et avertir sur les dangers de la création de trop d’hôtels nouveaux. Parfois, vaudrait-il mieux aider les hôteliers méritants à moderniser de manière consistante leur offre plutôt que de partir dans une fuite en avant par des créations tous azimuts.
Un hôtel qui se crée est là pour un moment. Sauf si tout se termine mal pour lui.
Il ne s’agit pas ici d’un scénario catastrophe mais bien d’une situation réelle que l’on peut observer dans de nombreuses villes ou destinations.
Mark Watkins
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