“C’est une super aventure ! “
Arnaud Lecompte, Hôtelier indépendant et Propriétaire du Tiercé Beach Hôtel s’est prêté au jeu de l’interview : “Des hôtels, un métier, une rencontre”. Merci à lui d’avoir pris le temps de nous partager son expérience et sa vision du monde sur notre secteur.
Est-ce que vous pouvez vous présenter et présenter votre parcours professionnel ?
Je m’appelle Arnaud Lecompte, je suis propriétaire et directeur du Tiercé Beach Hôtel, un hôtel 3 étoiles de 23 chambres à Cagnes-sur-Mer.
J’ai fait toute ma carrière dans le tourisme : j’ai d’abord commencé chez un tour opérateur marseillais qui commercialisait un hôtel en Guadeloupe puis les bureaux ont été transférés à Paris et j’y suis resté plusieurs années.
Ensuite, j’ai créé une agence de voyage près de Roissy-en-France pendant 5 ans. Après je suis devenu hôtelier et j’ai exploité un hôtel 2 étoiles de 33 chambres à Nîmes pendant 5 ans.
Enfin, j’ai eu l’opportunité de reprendre le Tiercé Beach Hôtel il y a une dizaine d’années.
En tant que propriétaire et gestionnaire d’un hôtel, quelles sont vos missions du quotidien ?
Alors c’est très éclectique… Cela va de la gestion des petits déjeuners à la gestion des plannings du personnel en passant par les petites réparations ou encore les commandes fournisseurs et l’entretien des chambres.
Évidemment, la prise de réservation et la gestion de toutes les mises aux normes de l’hôtel sont primordiales. Les missions sont assez larges et diversifiées mais, c’est ce qui fait le charme du métier. Une des grandes difficultés dans tout ça, c’est la gestion des délais.
C’est un métier qui est très enrichissant, très fatigant aussi, car lorsqu’on est responsable, vous avez toujours la tête un peu prise et vous n’êtes pas toujours concentré sur ce que vous faites à l’instant T, parce ce que vous pensez déjà à la tâche d’après.
Le relationnel est également très important, avec les institutions par exemple, mais le plus important reste le relationnel avec les clients et et avec l’équipe.
Vous êtes également chargé de la gestion, combien de temps cela vous prend ?
Alors, comme c’est une petite entreprise, je gère à la fois la mise en place du tableau de bord, donc il y a bien sur des aides techniques pour ça, mais il n’y a rien de tel que de saisir soi-même certaines données pour pouvoir être certain qu’on aura les informations nécessaires à la gestion de son entreprise. A mon sens, vous pouvez avoir tous les plannings du monde, si les données qui vous sont présentées ne sont pas celles que vous recherchez ou dont vous avez besoin, vous ne pouvez pas avancer. Donc, vous devez pouvoir comparer d’une année sur l’autre, un simple tableau excel peut encore suffire pour bien piloter l’entreprise et se projeter, ce qui reste difficile par les temps qui court, car les gens réservent de plus en plus tard.
Et les tâches répétitives comme la comptabilité, l’administratif, ce ne sont pas des tâches qui sont trop lourdes ?
Cela prend du temps mais heureusement avec les années, on nous propose des outils qui nous permettent de gagner du temps, comme la saisie comptable par exemple ou encore lorsqu’il s’agit d’un relevé bancaire. Avant, c’était ligne par ligne, alors que maintenant il y a déjà une pré-saisie qui est faite par le logiciel ce qui vous aide à gagner du temps.
D’accord, merci pour cette réponse très complète.
Quelle est la chose que vous préférez dans votre métier ?
Sans aucun doute, c’est l’échange avec le client car je suis quelqu’un d’un peu bavard et ce, quelque soit sa nationalité. C’est quelque chose que permet surtout la petite hôtellerie. C’’est, je trouve, en direction inverse de ce que les grandes industries de l’hôtellerie nous entraîne. En tant que petit hôtel indépendant, la base du métier c’est d’aimer les gens et d’échanger avec eux, et c’est ce qui me plaît le plus. Aussi, effectivement, la dérive du nouveau classement de l’hôtelier, qui nous amène à mettre un outil pour toute tâche afin d’éviter au maximum les interactions avec les clients, qui souhaite que nous mettions un robot qui enregistre les infos, qui fasse « l’accueil » ce n’est pas la même hôtellerie et ce n’est pas celle qui me plaît.
Donc vous, c’est vraiment le contact ?
C’est la base de notre métier, on n’est pas des marchands de sommeil. A partir de là, on amène un bien être, un confort et l’échange avec le client en fait partie. Après, pour certains clients, ce n’est pas le moment ou il n’en a pas envie, il faut le ressentir. Et je vous ai dit que j’étais bavard c’est donc tout le souci, il faut que je sache m’arrêter. Quand j’étais agent de voyage, j’ai voyagé partout par procuration avec nos clients, et ça continue avec l’hôtel. Je me souviens d’une rencontre avec une femme colombienne pleine de couleur et d’empathie. Cela fait 15 ans que je l’ai rencontrée et je l’ai encore dans la tête.
Mais c’est vrai que dans tout ça, les outils qu’on nous propose dans l’hôtellerie comme les plannings etc. nous permettent de regagner cette relation avec le client qu’on avait tendance à perdre car on avait la tête dans les stats et les plannings, et on oubliait qu’il fallait encore et surtout échanger avec le client.
Cela vous permet donc de gagner du temps sur d’autre tâches pour privilégier ce temps d’échange et d’accueil
C’est ça, il y a un truc tout bête, on nous pousse à avoir des cartes pour l’ouverture des portes afin de fluidifier le parcours du client, de faire des économies d’électricité, ce qui est bien ne serait-ce que pour la gestion. Ici, nous avons encore des clés et le fait de demander de laisser les clés à la réception permet un échange, ne serait-ce qu’un “bonjour”, un ”tout va bien?”. Grâce à cela, on a tout de suite un retour d’information qui permet de gérer et de prévenir des problèmes, de faire en sorte que le séjour du client lui soit agréable.
Ce sont les moments d’interaction qui sont importants ?
Exact, il n’y a pas besoin de faire une longue tirade pour avoir un échange. Cependant, il y a aussi des difficultés dans ce métier, à savoir le côté chronophage et le fait d’être responsable de l’activité qui fonctionne 24h sur 24.
Les choses évoluent très vite ces dernières années ; qu’elles soient législatives, dans le mode de consommation, etc… Tout va très vite et ce n’est pas évident pour nous, petit indépendant de suivre tout cela, mais justement, on a des outils qui nous permettent de suivre cela et vous en faîtes partie.
Après les deux années de Covid qui ont été assez compliquées, quels sont selon vous les principaux défis à relever pour les hôteliers indépendants ?
Le premier est financier à savoir que pour la plupart d’entre nous ont souscrit à des PGE, nous commençons actuellement à les rembourser et cela va fortement réduire notre capacité d’investissement sur les 3 à 4 prochaines années.
A cela, il faut ajouter la conjoncture annoncée pour le dernier trimestre 2022 avec les problèmes en Ukraine, les problèmes d’énergie et les problèmes écologiques.
Le dernier point selon moi concerne les équipes, depuis 2 ans nous avons augmenté en moyenne de 10% les salaires, mais on s’aperçoit que c’est déjà effacé par la crise actuelle. Actuellement c’est très difficile de trouver du personnel motivé même si nous assurons la formation.
Tous ces éléments nous placent dans un virage très difficile à appréhender.
D’une manière générale, que pensez-vous du digital dans votre métier ?
Comme je le disais tout à l’heure, le digital nous fait gagner du temps et ça c’est génial et important. Il y a des retours d’informations avant et après séjour, des aides pour optimiser les ventes additionnelles… Tout cela permet de fluidifier et faciliter les échanges d’informations avec les clients qui l’apprécient de plus en plus.
Attention, cependant, au risque que cela peut entraîner : la perte du contact avec le client.
Oui, il ne faut pas se reposer que sur le digital ?
Exactement. Beaucoup de grandes institutions tentent de modifier les processus opérationnels afin de remplacer les équipes par des robots, des caisses enregistreuses.
Pour illustrer mes propos, je peux prendre l’exemple des caissières de supermarché où on voit bien que tout est fait pour faire disparaître cette profession.
Ma crainte est qu’il arrive la même chose pour les réceptionnistes d’hôtel.
Mais j’insiste on voit bien que le digital dans les dernières années comme l’évolution d’internet, où, au départ, les informations arrivaient au compte goutte et quand on voit aujourd’hui ce qu’avec la fibre cela donne, c’est un autre monde.
Le digital est une aide à la vente phénoménale. Mais, il ne faut pas perdre de vue l’Humain qui reste et restera la base de notre métier
Quel serait le ou les conseils que vous donneriez à des gens qui veulent se lancer en tant qu’hôtelier indépendant ?
Tout d’abord, c’est une super aventure !
La base, c’est qu’il faut aimer les gens, si on n’aime pas les gens et le contact humain ce n’est pas la peine. Il ne faut pas être spécialement commercial mais il faut être commerçant, ce n’est pas la même chose. Il faut savoir accueillir.
Ensuite, je dirais qu’il ne faut pas compter son temps mais il faut savoir se donner un temps de respiration. C’est peut-être le danger, aller vers un burn out et s’épuiser la tête et le corps.
Il faut également savoir déléguer et ce n’est pas toujours facile. Souvent, ce n’est pas une question de confiance, on peut facilement faire confiance à certains collaborateurs, c’est juste de ne pas avoir peur.
Enfin, il faut faire attention à l’aspect financier, ne pas se louper et acheter trop cher par exemple. Dans ce secteur d’activité, ce ne sont pas des investissements de 2 ans mais plutôt entre 7 et 12 ans.