Il s’agit d’une série d’interviews d’hôteliers et d’hébergeurs ayant arrêté de travailler avec le géant de la réservation en ligne, Booking.com.com
L’objectif est de montrer à la profession, aux autres hôteliers, que Booking.com n’est pas forcement « un mal nécessaire », comme on peut le lire trop souvent. Il s’agit surtout de montrer qu’un hôtel peut faire sans ces géants du web, et d’illustrer comment certains y arrivent. On est plus dans la prise de conscience que dans la révélation des stratégies webmarketing des interviewés. Il ne s’agit pas de faire du Booking.com bashing, c’est d’ailleurs l’ensemble des OTAs qui sont abordés, mais Booking.com en est le fer de lance. Il ne s’agit pas de vous faire croire qu’on peut faire sans Booking.com.com, cela dépend tellement des exploitations, mais de montrer que ce n’est pas une fatalité.
Cette série sera alimentée mensuellement par une nouvelle interview. Les hôteliers participants le font pour la gloire, tout ce qu’ils ont à y retirer est un peu de visibilité un lien vers leur site internet.
Ce mois-ci, c’est Florence Lacroix, elle tient une maison d’hôtes, Le Clos de la Brète, en Anjou, tout proche de Saumur. Son établissement est visible sur internet (of course).
Pourquoi cet établissement ? Il paraissait intéressant d’avoir le témoignage d’une chambre d’hôtes, après celui d’un hôtel indépendant, d’un hôtel boutique à Paris et d’un hôtel bureau.
1. Pouvez-vous présenter, qui êtes-vous, depuis quand êtes-vous chambre d’hôtes, décrivez votre maison
Bonjour, je suis Florence, j’ai 48 ans. Je gère cette maison avec 3 chambres depuis octobre 2011. C’est une reconversion professionnelle, je viens de la région parisienne où j’étais assistante de direction. J’ai acheté le bâtiment pour faire cette activité, c’était une maison de vignerons. La maison avait un gros potentiel qui a nécessité 6 mois de gros œuvre. Nous avons créé des chambres, des salles de bains et modifié la distribution des pièces de la maison. J’ai ensuite passé 6 mois à faire toutes les peintures et à poser tous les sols en parquet massif.
Je n’ai jamais été membre d’un réseau, tel que Gîte de France ou autre, j’ai toujours été indépendante
J’ai un impératif de rentabilité, c’est mon gagne-pain, je n’ai pas d’autre activité à côté.
2. Quels sont les points positifs et négatifs de votre établissement ?
Les points positifs: région touristique, de passage, territoire riche culturellement, historiquement, etc… Les travaux sont récents, les chambres sont belles et je m’efforce d’offrir un accueil chaleureux. Les voyageurs me disent qu’ils apprécient la décoration.
Les points négatifs : il n’y a malheureusement pas de parking dans l’établissement. On peut garer tout au plus trois voitures dans la cour mais c’est serré et pas agréable, il y a peu de place. Il n’y a pas de parking public à l’extérieur car je suis dans le centre d’un petit village.
3. De quand date votre premier site internet ?
La maison a ouvert en octobre 2011 après un an de travaux. Le site internet a ouvert dans la foulée, j’avais besoin de la maison finie pour prendre des photos. J’ai fait mon site moi-même, en passant par 1and1, j’ai acheté le nom de domaine, j’ai choisi un modèle, un template et puis voilà. Au début j’ai un peu galéré, j’ai passé mon temps à les appeler et puis après ça allait mieux. J’ai la main sur mon site, je le fais évoluer, je le modifie comme je veux et quand je veux. J’ai fait une formation référencement avec la CCI récemment, je vais essayer de mettre en place ces acquis. Il n’y a pas de moteur de réservation sur mon site, notamment car je n’ai pas de TPE, mais surtout car je trouve que c’est plus sympa d’avoir les gens au téléphone ou d’échanger par mail. D’ailleurs, pour certains, c’est important d’avoir l’hébergeur au téléphone, la qualité du contact les rassure sur la façon dont ils seront reçus.
4. Quand avez-vous rejoint Booking.com.com ? Pourquoi ?
Dès le début, j’ai rejoint Booking.com à l’ouverture, en octobre 2011. On me l’avait conseillé, pour remplir. J’ai ouvert l’hiver, je ne savais pas trop ou j’allais, et donc Booking.com m’a sécurisé. Je voulais essayer. Je connaissais pas ou peu, je ne savais pas qu’ils faisaient aussi des chambres d’hôtes, je croyais que c’était réservé aux hôtels. Je me suis aussi référencé sur Likhom.com, Pourlesvacances.com et à l’Office de Tourisme local, mais c’est du référencement, pas de la distribution.
5. Qu’avez-vous remarqué dans les premiers mois de la commercialisation par Booking.com ?
Au début, tout de suite, pas grand-chose, c’était l’hiver, Booking.com ou pas, on travaille moins. Je pensais que Booking.com aurait pu m’amener du monde, mais non. Puis au démarrage de la saison, ça a commencé, tout doucement, un peu de Booking.com et un peu en direct. A partir du mois de mai, j’ai eu beaucoup de Booking.com et j’avais aussi des demandes en direct que je refusais car j’étais déjà rempli par Booking.com. Ils avaient la totalité du stock, par défaut. Ils m’ont fait rater des ventes en direct. Ça ne me posait pas de problème particulier, je démarrais.
6. Quelles opérations de webmarketing et de commercialisations faisiez-vous avant ?
Aucune, à part le site internet. J’ai une page Facebook mais je l’ai ouverte bien plus tard, et je dois dire que j’ai du mal à la faire vivre. J’ai ouvert ma page sur TripAdvisor, mais ce n’est pas du webmarketing, enfin pour moi. A part Likhom.com, Pourlesvacances.com et l’Office de Tourisme, je ne faisais pas grand-chose. J’ai tapé « chambres d’hôtes Saumur » et je me suis mis sur les plateformes de référencement qui apparaissaient en première page, c’est tout.
7. Comment se sont déroulés/évolués vos relations avec Booking.com ?
Au début, j’avais un chargé de compte et après je n’ai plus eu de contact. J’ai demandé, plusieurs mois après, à facturer un peu plus les séjours d’une nuit en juillet /août, je les ai contacté et ils l’ont fait. Je n’ai pas eu de soucis, j’ai toujours eu de très bons contacts avec eux.
8. Quel pourcentage de CA ou de TO Booking.com a-t-il représenté au plus fort de la collaboration
Je suis resté chez eux que 6 mois, au mois de mai, ils représentaient plus de 50% de ma clientèle, mais dès le mois de juin, j’ai arrêté.
9. Qu’est-ce qui vous a plu/aidé dans cette relation (apport de CA, nouvelle cible, etc.)
Ils m’ont apporté beaucoup d’étrangers, ça c’était bien.
10. Qu’est-ce qui vous a déplu dans la collaboration (achat nom commercial, affiliés, etc.)
Lorsque certains clients arrivaient, ils ne savaient pas qu’ils étaient en chambres d’hôtes et pensaient être à l’hôtel, on est mal référencé sur la plateforme. Je me retrouvais avec une clientèle hôtel qui n’a pas les mêmes besoins et attentes. Ils n’étaient pas respectueux, ils fumaient dans les chambres, ils ne respectaient pas la maison, alors que les clients directs, c’était le contraire, il y en a même qui enlevaient leurs chaussures en entrant.
Les conditions d’annulations étaient trop souples, pas adaptées aux chambres d’hôtes, ça me pénalisait en cas d’annulation. On a très peu d’annulation en chambres d’hôtes, alors qu’avec Booking.com, cela arrive très souvent.
Ils prenaient beaucoup trop de place, j’ai réalisé qu’en cliquant sur une photo dans google business j’étais réorienté vers Booking.com, je n’ai pas apprécié. J’ai vraiment eu l’impression qu’ils volaient mes clients. C’est là que ça a commencé à m’énerver.
Une fois un client m’a appelé en direct, on s’est mis d’accord, il devait confirmer la résa par mail et il a réservé sur Booking.com. Il s’était dit que c’était plus simple, il ne savait pas, je lui ai demandé d’annuler sa réservation par Booking.com pour la faire, comme prévue, en direct.
11. Avez-vous essayé de contourner la parité tarifaire ou d’autres actions visant à récupérer/détourner la clientèle de Booking.com ?
Non, pas vraiment, sauf la fois que je viens de présenter.
12. Quelles différences avez-vous noté entre un client Booking.com et un client direct, pratiquiez-vous une différence de traitement entre ces 2 types de clientèle (même inconsciemment)
Non pas différence, jamais, je les ai toujours reçu de la même façon. J’ai quand même eu des clients très sympas par Booking.com, il ne faut pas généraliser, même des clients qui n’étaient jamais venu en chambre d’hôtes et pour qui ça a été l’occasion de découvrir ce type d’hébergement, mais c’était quand même rare.
13. Quand avez-vous arrêté de collaborer avec Booking.com ? Pourquoi (la goutte d’eau qui a fait déborder le vase) ?
C’est le cumul de tous ces détournements de réservation qui m’a exaspéré, combiné à la fois où je me suis rendu compte du vol de clientèle. J’ai eu l’impression que quoi que je fasse le client serait toujours redirigé vers eux. Et lorsque j’ai vu le % de commission exploser alors que j’avais plein de demandes à côté, j’ai compris que je pouvais me débrouiller sans eux.
J’ai donc arrêté dans la foulée, début juin. Ils m’ont demandé pourquoi, je leur ai expliqué que j’avais des clients qui appelaient en direct et qui après allaient réserver sur leur plateforme. Ils m’ont répondu que dans ces cas-là, je n’avais qu’à recontacter le client pour lui dire d’annuler la réservation Booking.com et la faire en direct. Mais je n’ai pas le temps de faire tout ça, ce n’est pas ça mon métier ! J’ai eu l’impression qu’ils voulaient me retenir mais j’avais pris ma décision.
14. Qu’est ce qui s’est passé dans les mois suivants (en terme de CA/TO, de fréquentation de votre site, de resa, etc.)
J’ai moins travaillé l’été qui a suivi, je le vois maintenant avec 3 ans de recul, c’est peut-être dû au fait que j’étais toujours sur leur site et que j’étais un peu cannibalisé. Ils m’ont dit que je serais présente sur la plateforme tant qu’il y avait des réservations en cours, mais c’était préjudiciable car ils gardaient la visibilité sur mon nom et ré-orientaient le client ailleurs, sur un autre établissement.
15. Qu’avez-vous fait, en webmarketing/commercialisation, pour combler cet apport ? (adwords, nouveau site, animation commerciale, offre, baisse prix, etc.)
Je ne me suis pas inquiété de la fin de Booking.com, j’étais contente, je n’avais pas de recul. Je ne peux pas dire si j’ai eu une baisse de CA, je n’avais pas d’éléments de comparaison. Je n’ai rien fait pour palier l’arrêt. Je me suis dit que c’était incompatible avec les chambres d’hôtes, avec ce système, on n’a pas de contact avec les clients, ce n’est pas possible ! L’arrêt de la collaboration ne m’a pas inquiété plus que ça.
16. Est-ce que cela prend beaucoup de temps et d’argent ?
Ben non, puisque j’ai rien fait
17. Est-ce réalisable par n’importe quelles chambres d’hôtes (quels critères pour arrêter de travailler avec Booking.com ?)
Ho oui, peut-être pas pour les hôteliers, mais pour les chambres d’hôtes, avec max 5 chambres, c’est complètement faisable. Encore une fois ce n’est pas compatible avec notre activité. Il faut néanmoins avoir quelques critères, comme un bon emplacement, un bon produit.
18. Combien de temps ont perdurés les effets négatifs (pollution de la visibilité, détournement de clientèle)
J’ai ressenti ces effets quelques temps, je ne saurais vous dire combien de temps, mais ça m’a pas perturbé plus que ça, je ne savais pas. J’ai eu moins d’étrangers, mais est-ce un effet négatif (ndlr: c’est une conséquence)
19. Qu’avez-vous retiré de l’arrêt de la collaboration (sur un plan financier, moral, relation client, etc.)
C’est beaucoup plus simple maintenant, sans. Lorsque je prenais une réservation en direct, il fallait aller sur le planning, tout de suite, pour la bloquer. C’était stressant, Booking.com était prioritaire.
J’ai les clients que je veux maintenant, des vrais clients de chambres d’hôtes qui savent où ils vont, que j’ai eu téléphone ou par mail avant. J’étais prête à moins travailler si c’était le prix à payer pour avoir les clients qui correspondent à mon activité. Je privilégie la qualité à la quantité.
Je suis plus détendue maintenant, avec Booking.com on savait jamais ce qui allait nous tomber dessus.
20. Si c’était à refaire, que feriez-vous de différent, de mieux ?
Je pense que je ferais pareil, si je n’avais pas testé Booking.com, je me poserai des questions sur l’opportunité d’y aller maintenant. Je ne changerai rien si c’était à refaire.
21. Un conseil, autre chose à ajouter ?
Pour les chambres d’hôtes, à partir du moment où on est bien placé et qu’on a un bon produit, on peut se passer de Booking.com. Ce n’est pas « l’esprit chambres d’hôtes » Booking.com.
Merci Florence pour votre témoignage, n’hésitez pas à aller visiter son site (ici lien) et même à vous arrêter chez elle lors d’une virée dans la Vallée de la Loire
Relisez les témoignages de Jérôme, Mathieu et Armel.
A bientôt pour une nouvelle expérience
Si vous aussi vous avez arrêté la collaboration avec Booking.com et que vous souhaitez/pouvez témoigner, contactez moi, merci 😉